Sur l'écran elle avait répété le même mot. Viens. Depuis dix jours je recevais ses messages et j'aimais la façon qu'elle avait de m'écrire son désir. Je crois qu'elle connaissait le pouvoir qu'ont les mots, qu'elle n'avait pas peur de la manière dont ça pouvait lui tordre le ventre.
Viens. Je ne connaissais d'elle qu'un visage en photo, les yeux fixés sur l'objectif avec dans le regard une attente plus ancienne. Je la voulais elle, elle le savait depuis les premiers messages échangés. Elle m'avait écrit qu'une femme comme elle aimait ça plus que tout, le désir qu'un homme avait d'elle. Le désir la première fois.
Elle m'avait envoyé cette photo, jusqu'à nos doigts toujours en quête de tendresse..., elle aimait Tzara depuis la première fois qu'elle avait entendu ce poème. Ce poème elle l'avait recopié, puis affiché sur le mur de l'immeuble où elle habitait seule avec sa fille. Je ne connaissais rien à Tzara, j'ai lu d'autres poèmes pour comprendre, une langue obscure avec à l'intérieur des étincelles, l'idée du feu dans le noir de la guerre. Le jeu est devenu, les premiers jours, de s'envoyer des fragments de Tzara par texto. J'avais un vague souvenir des hurlements dadas du côté de Zurich, en réaction à l'hécatombe et aux charniers de 14-18 mais j'aimais recopier des phrases comme les regards qui prennent avec des mains desséchées, ou je pense à la chaleur que tisse la parole.
Elle voulait qu'on murmure. Les mots de Tzara et les paroles sexuelles. Qu'il n'y ait pas tous ces mots lun peu idiots la première fois, ceux qu'on prononce pour rien quand on sait qu'on veut l'autre. Elle voulait que je la prenne sans préalable, et elle a murmuré plusieurs phrases d'un poème en défaisant ma ceinture. J'avais l'impression d'approcher une prêtresse et j'aimais l'idée qu'elle m'imposait du grand silence.
L'immeuble était facile à repérer, avec en bas le poème affiché. Elle avait raconté une histoire à sa fille, attendu qu'elle s'endorme et écrit Viens. La porte de gauche au premier, les deux noms sur la porte, celui d'une femme et celui d'une enfant. Je n'ai pas déclenché la minuterie de l'escalier, par habitude de marcher dans le noir et les veilleuses suffisaient. J'ai frappé le plus doucement, j'ai vu qu'elle éteignait la lumière avant d'ouvrir. Sa main m'a touché, posée à plat sous ma nuque. J'ai aimé qu'elle ait les ongles longs, qu'elle me caresse en premier jusqu'aux reins, jusqu'à la ceinture. Pour la défaire elle a glissé ses mains sous mes bras, appuyé ses seins lourds à mon dos et commencé à chuchoter ce poème, jusqu'à nos doigts.
Ma queue était déjà gonflée des mots écrits qui revenaient dans son murmure. Elle écrivait Viens. Ta queue dans ma bouche. Maintenant elle la voulait dans sa main. La branler vite, serrer l'anneau des doigts, me montrer qu'elle savait. Vérifier que j'aimais. Elle s'est agenouillée, a refermé la porte pour que je puisse m'y appuyer, lui offrir ma queue à lécher et me soumettre à son rituel. L'appartement dans l'ombre laissait deviner des rangées de livres, des fleurs blanches sur la table et la chemise de nuit qu'elle avait retirée. Je ne reconnaissais pas son visage, le port délié de sa tête dont j'avais défait les cheveux. Elle me suçait mieux qu'une putain, en caressant mon ventre d'une main, tenant mon cul en y plantant les ongles de l'autre main. Elle voulait se remplir, apprendre ma queue avant de pouvoir se la foutre, évaluer sa taille et l'endurance avec laquelle j'allais la creuser. Attends. Elle est allée s'appuyer à la table, penchée en avant vers les fleurs, suffisamment cambrée pour que je vienne l'enfourrer. D'une main elle écartait son sillon, comme pour me dire d'entrer sans attendre. Son visage sombre dans l'ombre des cheveux, ses lèvres prêtes à toucher la première fleur je la brusque, je pose une main sur ses reins, de l'autre je l'empoigne au pubis. Elle ne gémit pas elle se concentre. Elle ressent, les yeux fermés elle prend, la main sur le vase pour l'empêcher de basculer sous mes coups. Elle se donne. Elle me dit qu'elle aime la lenteur, qu'elle a écrit les fragments de poème comme une fièvre qui ne veut pas guérir, en attendant cette lenteur. Qu'elle veut se faire prendre longtemps avant le sperme qui brûlera, qu'elle veut s'habituer maintenant à ce sexe au milieu de son ventre.
Je ne réponds pas, pas encore, je recueille son halètement en essayant d'entendre à l'intérieur qui elle est , ce qu'elle donne à partir de ses reins. Je l'apprends. Je touche une tresse de nerfs au fond d'elle, là juste, là où elle vient vibrer. Elle a une autre voix quand elle gémit. Plus rauque et plus lente. Celle d'une vieille femme, une voix de préhistoire à laquelle se mélange tout à coup celle d'une enfant. C'est sa fille qui appelle et dont j'entends les pas dans le couloir, où elle vient d'allumer la lumière. Sa maman remet vite sa chemise, se précipite et je retourne à la porte en rebouclant ma ceinture. Je m'assois sur les premières marches montant vers les étages et j'attends, assez longtemps. J'entends les voix de l'enfant et de la mère, la rassurance et je trouve ça assez beau qu'elle soit mère attentive, inquiète. Je peux attendre toute la nuit si elle veut me donner sa maternité à entendre, je peux écouter ce que demande la petite fille, les réponses que sa maman va lui donner sans impatience. Je sais qu'on reprendra le même plaisir quand l'enfant dormira. Je sais qu'elle le sait. Derrière la porte un homme attend de continuer. Il cognera la tresse des nerfs en delta dans son ventre.